Le financement participatif (ou crowdfunding) est une solution qui fait rêver tous les créateurs. Pourtant, il est nécessaire de garder des principes fondamentaux bien en tête avant de lancer sa campagne, sous peine de boire la tasse.

Voici maintenant quelques années que le Crowdfunding s'est intégré dans le paysage de l'internet français. Il a évolué et s'est étendu à l'économie solidaire. Cet élargissement de son champ d'action est aussi le signe que le Crowdfunding se cherche encore. Certains pourraient même l'interpréter comme une fuite en avant, un moyen d'éviter de se poser les vraies questions sur son efficacité, sa réelle utilité.

Ce sont donc ces questions que je vais donc soulever ici, en commençant par la première : à part pour les plateformes spécialisées, pour qui le crowdfunding se révele-t-il efficace ?

 

Le crowdfunding et les projets culturels.

Comme je l'ai noté auparavant, le crowdfunding s'est diversifié, allant jusqu'à s'immiscer dans la création d'entreprises et l'économie solidaire. Je mettrai donc ces champs de côté, pour ne me consacrer qu'à la partie que je maîtrise vraiment : celle qui concerne les projets culturels, et plus particulièrement les films et les livres.

Ainsi, nous partirons du principe que vous êtes un réalisateur, un producteur ou un auteur, débutant ou expérimenté (mais pas une star pour autant !), et que vous souhaitiez financer tout ou partie de votre projet, via une opération de crowdfunding.

La première chose à fixer n'est ni le montant demandé ni même les contreparties, mais qui devez-vous toucher pour que l'opération soit un succès ?

Car si ceux qui mettent de l'argent dans votre projet sont très majoritairement votre famille et vos amis, un conseil : allez les voir directement ! Ça vous prendra moins de temps et vous fera économiser les 8 à 10 % de commission que prend la plateforme en cas de réussite de votre opération. Vous devez donc faire en sorte que ceux qui mettent de l'argent sur votre projet soient des inconnus convaincus de son intérêt.

Inutile de vous le dire, c'est loin d'être simple.

À vrai dire, c'est même rigoureusement impossible si vous n'avez pas intégré, ou vous-mêmes constitué, une communauté regroupant votre public. Dans les 2 cas, cela demande du temps et du travail.

Mais voilà, cela fait 3 mois que vous êtes sur cette étape et vous pensez avoir accès à une telle communauté, pleinement en phase avec votre sujet. Bien !

Nous pouvons donc passer aux 2 autres questions : quel montant et quelles contreparties ? Demanderez-vous la totalité du budget nécessaire à votre projet ? C'est plutôt délicat, d'autant plus que, pour un film, ça chiffre vite !

Et puis, votre public risque fort de mal réagir en se demandant pourquoi il vous soutiendrait tandis que vous, vous ne prenez aucun risque. C'est un réflexe courant, sur lequel je reviendrai plus loin. Vous en demanderez donc probablement une partie.

Mais, comme le conseille aujourd'hui la quasi-totalité des plateformes de crowdfunding, vous devrez l'augmenter de leur commission ET du coût des contreparties (et de leurs expéditions), afin que vous puissiez récupérer ce que vous avez prévu. Du coup, le montant que vous demandez se trouve augmenter d'autant !

Déjà que la somme de base n'allait pas être facile à réunir, là, ça se complique.

 

Et les contreparties, justement ? Que prévoir ?

  1. Des DVDs du film ou un exemplaire du livre dédicacé? Super original, et surtout d'une valeur ne pouvant excéder 15 à 20 €.
  2. Un poster dédicacé ? Sûr que ça fait rêver.
  3. Un repas avec vous (à condition que les souscripteurs viennent vous rejoindre à leurs frais là où vous habitez) ? Sérieux ?

Ce n'est pas évident du tout, cette affaire-là !

Résumons-nous.

À ce stade-là, vous avez passé du temps à créer ou intégrer une communauté intéressée par votre sujet. Vous avez préparé une offre, augmentée des frais propres à l'opération, et ne couvrant, de toute manière pas la totalité de votre budget (il vous faudra donc encore galérer pour trouver l'argent manquant). Et vous avez mis en place des contreparties dont la plupart sont aussi motivantes qu'un tête à tête avec un pitbull enragé.

Vous êtes toujours aussi sûr de la pertinence du truc, là ? Rajoutez à cela que pour beaucoup de gens la culture doit être gratuite (argh !) et que de toute manière "tout se trouve sur le net", et lutter contre l'envie tout laisser tomber qui vient de vous saisir.

 

Alors la solution c'est quoi ?

Elle n'est pas facile et ne réside nullement dans le crowdfunding tel qu'on le connait actuellement.

En fait, tout est faussé par cette réflexion malheureusement courante que j'évoquais plus haut. Rappelez-vous, ce réflexe qu'on la plupart des gens de se dire, quand vous demandez la totalité du budget, qu'ils n'ont aucune raison d'investir dans votre projet si vous ne prenez vous-mêmes le moindre risque.

En réalité, c'est caduc dès la base comme raisonnement. Évidemment que vous prenez des risques ! Et pas des moindres !

Sauf si vous êtes complètement fou ou idiot, vous n'allez pas intégrer un salaire phénoménal pour votre travail. Vous allez donc devoir manger encore énormément de pâtes au beurre et de la viande tous les 15 jours, mais vous pourrez cependant ne pas mourir de faim durant la réalisation de votre projet. Pour que celui-ci arrive à son terme et soit de qualité, c'est mieux !

Quant aux contreparties, elles sont chronophages et inutiles. La solution passe donc par une offre, proche de la souscription, qui, dans notre époque de médiocrité culturelle, prend tout son sens.

Vous en avez marre de devoir choisir entre The Voice ou MasterChefs ? De vous voir proposer, tant sur les chaînes de télévision que sur les sites de films comme Netflix, Canal Play ou FilmoVOD, toujours les mêmes films, les mêmes séries ?

Vous voulez voir autre chose ?

Des programmes qui vous intéressent et vous ressemblent ? Vous voulez lire des nouveautés intéressantes que les 10 sorties rendues "incontournables" à coup de centaines de milliers d'euros de publicité occultent ? Facile.

Financez-les.

Résiliez vos abonnements payants et financez les films que vous voulez voir, les livres que vous voulez lire. Mettez en place votre propre offre, celle qui correspond en tout point à votre demande !

Laissez Dany Boon, Djamel De Bouze, Christian Clavier faire leurs films pour TF1 et M6. Laissez les gros studios continuer à nous abreuver de leurs blockbusters au cinéma. Laissez Guillaume Musso, Stephen King et E.L. James envahir régulièrement les têtes de gondoles des rayons. Rien de cela ne changera.

En revanche, VOUS, aurez enfin des œuvres qui vous intéressent, celles que vous aimeriez voir entre une énième rediffusion de Où est passée la 7e compagnie et la 9e saison de Loft Story !

C'est effectivement une nouvelle façon d'envisager la création et l'offre culturelle, très proche, en définitive, de ce qui se passe dans l'agriculture, où le fait d'aller chercher directement ses aliments directement chez le producteur, en court-circuitant ainsi la chaîne des intermédiaires et les produits industriels, entre de plus en plus dans les mœurs.

Maintenant, à vous de voir si vous préférez investir votre temps et énergie sur des opérations de crowdfunding à l’économie et au résultat incertains ou à la mise en place d'un commerce culturel équitable et de qualité.

PDC.

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