Squeezie a sorti son premier court-métrage de fiction. Alors, dès le lendemain, j’ai joint mon visionnage aux 2 millions qui m’ont précédés. Ça se passait plutôt bien jusqu’à la fin. Et là, survint le drame… Retour d’expérience.

Le propos que je vais développer est, en vrai, lourd de conséquences. Mais j’ai découvert aujourd'hui, le 11 Novembre, en faisant les vérifications d’usage d’avant publication, que les choses avaient évoluées… en pire ! 

Vous trouverez la mise à jour en toute fin d’article. 

 

Un film de squeezie. Vraiment ?

On peut penser ce que l’on veut du film quant à sa qualité. Pour ma part, je le trouve plutôt bien. Un peu creux (mais je n’entrerai pas dans le débat quant à l’existence ou non d’une proposition thématique), mais sympathique. 

Non, le véritable problème, dont je vous invite à ne pas sous-estimer l’ampleur (je développerai ce point juste un peu plus loin), c’est le générique.

Ça commence par la mention : « Un film de Squeezie »,

suivie par : « Réalisé par Théodore Bonnet »

et enfin : « écrit par Squeezie, Guillaume Natas, Théodore Bonnet ».

Et là, j’ai le cerveau qui disjoncte : comment un film peut être celui d’un seul des co-scénaristes ?

Alors, les fans les plus virulents (et ignorants de ceux dont ils parlent) affirment que c’est parce qu’il en est le producteur. C’est gentil, mais doublement faux.

D’abord, parce qu’un film, c’est celui du réalisateur. Toujours. Il ne peut en être autrement et je vais vous expliquer pourquoi (en même temps que je vous dévoilerai la seconde raison).

 

Le cas d’Indi

Tout d’abord, il faut comprendre à quoi sert un générique dans un film. Il ne sert pas tant à informer le public que les professionnels de qui a fait quoi sur le projet. D’ailleurs, dans le contrat, la mention au générique et toutes ses dispositions figurent dans l’article « Publicité » (la publicité que doit faire le producteur au technicien ou à l’auteur pour son travail sur ledit film).

Donc, toutes les fonctions occupées dans un film sont créditées au générique (de début ou de fin, cela n’a aucune importance et dépend, encore une fois, des clauses du contrat).

Pour bien se rendre compte de jusqu’où cela va, on va jeter un œil sur le générique des « Aventuriers de l’Arche Perdue », un film, on est tous d’accord, de Steven Spielberg.

Comme on peut le voir, le film est produit par Lucasfilm, qui appartenait à l’époque à George Lucas.

Au sein de Lucasfilm, c’est le producteur Frank Marshall qui a eu la charge de ce film.

George Lucas, lui, a écrit une première version du synopsis qu’a réécrit Philip Kaufman, avant que Lawrence Kasdan écrive à partir de cette version le scénario du film.

Et malgré tout, c’est un film de Steven Spielberg, le réalisateur.

Et comme je le disais plus haut, c’est normal.

Pour le comprendre, imaginez juste que Lucasfilm ait confié la réalisation de ce film à un autre réalisateur, disons David Lynch. Il est évident que le résultat aurait été radicalement différent. On aurait eu un film de… David Lynch. Ainsi, par sa vision artistique, chaque réalisateur confère une identité unique à un film. CQFD.

Donc, même si Squeezie est co-auteur ou producteur, le film n’est pas pour autant un film de Squeezie.

Ce qui nous emmène à la seconde raison que j’évoquais ci-dessus : à priori, Squeezie n’est pas producteur du film. Il n’est cité nul part en tant que tel.

En fait, la seule mention que l’on trouve d’une équipe de production arrive étrangement au milieu du générique et il s ‘agit d’une équipe de producteurs exécutifs.

Il est impératif de faire ici la distinction entre un producteur délégué qui possède les droits du film et un producteur exécutif qui ne les possède pas et qui est un prestataire de services pour le compte du producteur délégué.

Alors pourquoi a-t-on cette formulation tant au générique que sur l’affiche du court-métrage ?

Pour répondre à cela, il faut s’interroger en fait sur un autre point essentiel :

 

Quelle est la véritable nature de WHO ?

Who se présente comme un court-métrage. 

Techniquement, c’est vrai. Comme il est tout autant vrai qu’il n’est nullement représentatif d’un court-métrage (professionnel) français. 

D’abord, contrairement à 99,99% des courts-métrages non amateurs, il est réalisé sans l’aide du CNC, pourtant indispensable vu la fragilité économique (doux euphémisme) de ce secteur.

C’est normal, il a été entièrement financé par Amazon Prime. Ce qui lui confère des moyens au-delà de ce que peut prétendre tout court-métrage : tournage en studio avec reconstitution de décors, simulation 3D des focales utilisées, etc. On utilise là des moyens inaccessibles à des courts-métrages traditionnels. 

Le court-métrage de Squeezie n’est donc nullement représentatif de la production de courts-métrages en France. Une fois de plus, c’est complètement logique puisque ça n'en est pas un. 

C’est une publicité Amazon, diffusée sur la chaîne YouTube de Squeezie et sur Twitter. 

Vous remarquerez d’ailleurs que le film n’est pas diffusé sur Video Prime : ça n’aurait aucun sens de diffuser une publicité sur le service où se trouve déjà les abonnés !

Non, la pub est diffusée sur la première chaîne YouTube de France, suivie par une cible qu’aimerait bien séduire Vidéo Prime. 

D’où les moyens pharamineux ; d’où le nom de Squeezie mis en avant. 

En fait, pour reprendre la comparaison avec Les aventuriers de l’arche perdue, Squeeze, c’est le diffuseur et c’est comme la Paramount qu’il aurait dû se créditer, sous la forme de "Squeezie présente".

 

En quoi c’est grave tout ça ?

Bon, arrivé à ce stade là, vous me direz sans doute : « Ok, c’est bien beau tout ça, mais en quoi c’est grave ? Après tout, ce ne sont que des noms qui défilent… »

En fait, non. C’est bien plus que cela. 

En agissant ainsi, qu’il le veuille ou non (je précise, car je ne lui prête aucune mauvaise intention – juste une énorme et regrettable maladresse), Squeezie participe à l’invisibilisation des auteurs. Ce néologisme est souvent apparu sur la page Facebook Paroles de scénaristes qui publiaient les témoignages des auteurs quant à leurs conditions épouvantables de travail, à leur rémunération, administration lourde et inadaptée, mais aussi le manque de reconnaissance par rapport à leur travail dont dépendent pourtant toutes les industries du divertissement (films, séries, romans, jeux vidéos…).

Là, en faisant fi de toutes les règles qui régissent la publicité des auteurs et techniciens dans les génériques, Squeezie participe à rendre invisible son réalisateur. Avec une certaine violence même, quand on voit la disproportion dans la taille des caractères de l’affiche (même la date de sortie est écrite en plus gros que le nom du réalisateur. En fait, absolument TOUT est écrit plus gros que son nom... Juste hallucinant). 

À une époque où les auteurs et leurs syndicats se mobilisent pour remettre de l’ordre et de la justice dans tout cela, cette grossière erreur ne pouvait plus mal tomber. 

Après, vous me direz :

— Oui mais Squeezie est amateur. 

— Un amateur qui a plus de budget et de moyen que n’importe quel film français de même catégorie ne doit être considéré comme un amateur. Et si on le considère comme un amateur, est-ce normal qu’Amazon confie un tel budget à un amateur ? On le voit, ça ne tient pas.

 

Ou encore :

— Ok, mais il ne savait pas ça. 

— Peut-être. Mais son équipe de producteurs exécutifs est sensée le savoir. Amazon Prime Vidéo est sensé le savoir. Bref, y a beaucoup de monde autour de lui qui sont au courant de ces règles. De toute manière, en la matière, il est bon de rappeler le premier principe du droit : « Nul n’est sensé ignorer la loi ». 

 

Ou enfin : 

— Ouais, mais on s’en fout : résultat est cool. 

— Euh, non. Pas du tout. On ne s'en fout pas. On ne peut pas justifier un comportement nuisible à toute une partie de la profession avec comme seule argumentation une satisfaction égoïste, personnelle et éphémère. 

PDC.

Mise à jour du 11/11
INCOMPRÉHENSIBLE !
Sur la chaîne officielle de Squeezie le générique a été raccourci : il ne mentionne maintenant plus que son nom, celui du réalisateur et de l’acteur ! Tous les autres, scénaristes et techniciens, ont été coupés. Là, en terme d’invisibilisation des co-auteurs, on ne peut faire pire.
Autant je disais plus haut que je ne pensais pas qu’il y avait la moindre mauvaise intention derrière la maladresse dans la rédaction du générique original, autant là, je me pose des questions, notamment d’ordre juridique, quand à ce nouveau générique !
À suivre…

Partagez cet article en 1 clic sur :

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir

{

}