La suite de l'article "Les auteurs sont-ils condamnés ?" mais avec un propos élargi, après les  ravages causés par la crise sanitaire, à l'ensemble des industries du divertissement.

À la fin de l’analyse, pour le moins morose, que je faisais sur la situation des auteurs, j’avais promis un article sur les différentes solutions envisageables pour tenter d’améliorer leur rémunération.

Puis, le COVID 19 et le confinement sont passés par là, élargissant la crise sévère qui touche les auteurs (piliers, rappelons-le, de toute création culturelle !) à tous les secteurs des industries culturelles : intermittents du spectacle, sociétés de production, loueurs de matériel, etc.

Car, si des géants comme Disney sont affectés par cette crise (le Studio a annoncé que leur blockbuster Mulan sortirait directement sur leur service Disney+ (au coût de 30$ le visionnage, soit 2 fois le prix d’une place cinéma plein pot, mais pour le voir sur sa télévision — la blague !), il est évident que pour tous les autres, plus petits, plus fragiles, la situation est, a minima, dramatique — et là, je ne parle même pas des petites sociétés de production qui, elles, ne sont plus au bord du gouffre mais en pleine chute !

Alors, pour ce second article, j’ai décidé d’élargir tout autant mon propos : ce ne sont plus que les auteurs qu’il convient de soutenir, c’est l’ensemble de ces secteurs (films, audiovisuel, littérature, musique, spectacles vivants). Comme je ne suis pas spécialiste en tout, mon propos portera sur les 3 premiers, mais je pense que les pistes que je vais y évoquer peuvent trouver un certain écho dans les autres.

 

L’herbe est plus verte ailleurs...

Pour commencer, j’aimerais dresser un parallélisme entre 2 industries qui se ressemblent, in fine, assez : la nôtre et l’agroalimentaire. Si cette dernière nourrit et entretien le corps, la nôtre nourrit et entretien l’esprit.

Dans les 2 cas, la mal bouffe est possible, voire fréquente.

Dans les 2 cas, il y a de petits producteurs et de gros industriels, chacun proposant aux citoyens des produits d’apparence similaire (des tomates sont des tomates, tout comme un documentaire reste toujours un documentaire), mais fait de manière tellement différentes qu’ils n’ont en réalité rien à voir : l’un sera un tout venant industriel, sans goût, bourré de sucres (ou d’OGM et de pesticides), l’autre issu d’une manière de production radicalement différente qui lui assurera tous les manquements du premier, à l’exception de la distribution (sans comparaison moindre) et du prix (logiquement plus élevé, puisque pas produit à la chaîne).

Dans les 2 cas, la chaîne d’exploitation est tellement longue, les intermédiaires tellement nombreux, que ceux qui créent ses produits ne perçoivent que les miettes de l’exploitation de leur travail.

Dans les 2 cas, la concurrence est internationale et pourtant faussée par des règles qui autorisent là-bas ce qui interdit ici ou par des écarts hallucinant quant au coût du travail.

 

“À la différence de la Culture, l’agriculture déjà mis en place des outils pour essayer de répondre à ces problématiques, essentiellement au moyen de labels.”

 

MAIS...

À la différence de la Culture, l’agriculture déjà mis en place des outils pour essayer de répondre à ces problématiques, essentiellement au moyen de labels.

Par exemple, avec le Bio qui assure la qualité de production d’un produit.

Ou celui du commerce équitable qui assure que le petit producteur à l’origine du produit est rémunéré correctement.

Ou encore à travers les diverses AOC qui distinguent les productions locales des industrielles (internationales).

Et les citoyens responsables que nous sommes, prenons nos décisions d’achat en fonction de tous ces indicateurs.

De tout cela, il n’existe aucun équivalent dans les domaines culturelles.

Et pourtant, à l’heure où n'importe qui écrit un livre, tourne un film, fait de la musique, il serait bon de commencer à distinguer les professionnels (ceux dont c’est le métier) des amateurs (qui ont un autre métier pour vivre et font cela à côté).

Il serait bon de pousser la logique à ce que ce label Pro soit également affiché lors des campagnes de crowdfunding : c’est un argument qui porte autant sur la confiance que peut porter un éventuel souscripteur à un projet que sur le choix de soutenir des professionnels dont c’est la seule source de revenue plutôt que des amateurs qui, par définition, gagnent leur vie autrement.

La même logique peut être appliquée à un label écoresponsable ou à un autre du type Commerce équitable qui garantirait que tout le monde est justement rémunéré par son travail (l’uberisation des techniciens devenant de plus en plus courante...).

On pourrait aussi valoriser les compétences et préserver les emplois locaux via un autre label du type « Filmé En France ».

 

“Si ça n’a aucune conséquence, ça ne sert à rien.”

 

Concrètement.

Avoir des labels, c’est bien. Mais si ça n’a aucune conséquence, ça ne sert à rien.

Ainsi, outre informer les consommateurs, il faut aussi prévoir des applications concrètes.

Le CNC peut avoir, tout comme les chaînes de télévision d’ailleurs, un rôle primordial à jouer, en intégrant ces labels dans les critères permettant d’obtenir une aide, voire même fixer une aide minimum par label obtenu — ce qui permettrait aux petits producteurs d’y voir plus clair en ayant la certitude d'un soutien minimum en fonction directement des labels obtenus et sans passer par l'avis, forcément très subjectif, d'une comission d'experts.

Le retour des cartes professionnelles pour les chefs de poste serait aussi une bonne chose, qui permettrait, là encore, une valorisation de l’emploi et des compétences en local, et leur préservation par voie de conséquence.

 

Raccourcir la chaîne en privilégiant le numérique.

Enfin, toujours comme en ce qui concerne l’agroalimentaire, nous sommes soumis à une longue d’intermédiaires, où chacun marge confortablement, réduisant ainsi les revenus des créateurs et augmentant le prix de vente définitif.

Je vais être dur, en biologie on les qualifierait de parasites : des êtres qui mangent sur le dos d’autrui, quitte à appauvrir leur hôte. À une époque, c’était faisable et pouvait se justifier. Aujourd’hui, ça ne l’est plus.

Tout le monde n’arrête pas de le dire : le monde a changé et on ne peut faire comme si l’internet, les différentes crises économiques et le COVID-19 n’existaient pas.

Il faut donc, comme pour l’agriculture, raccourcir la chaîne et opter pour un circuit court, en privilégiant les producteurs mettant en place des solutions de vente en ligne et de VOD directement à partir de leur site.

Cela permettra aussi aux auteurs de toucher une rémunération plus conséquente pour le même chiffre d’affaire à la vente.

Évidemment, cela implique aussi de faire changer les mentalités des consommateurs en mettant en place des campagnes publicitaires expliquant les bénéfices en terme d'impacts financiers et écologiques de ces œuvres (qu’il s’agisse de films ou de livres).

 

En conclusion

Évidemment, beaucoup de ces pistes de réflexion vont à contre-courant complet de la tendance très marquée (et encore, c’est un doux euphémisme) d’une forte verticalisation du marché, afin de créer un ou deux champions à l’international.

Il ne faut pas oublier que 1 ou 2 grands groupes ne suffisent pas à sauver l’emploi, ou à assurer une diversité de l’offre.

Et quand on voit Disney, sans nul doute le plus grand groupe mondial en la matière, qui renonce à la sortie de Mulan en salles, alors que le budget de ce blockbuster est estimé à 200M$ hors promotion, on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de poursuivre de nos jours une telle stratégie.

En France, où l'État est fortement investi dans le financement des biens culturels, les principaux freins à la mise en place de telles solutions résident dans une vision idéologique souvent déconnectée de la réalité et dans le temps politique, toujours long à faire évoluer les choses.

Or, le temps, on en a de moins en moins, surtout avec le tsunami économique post-covid qui s’annonce...

 

Vous êtes d’accord, ou pas : débattons-on dans les commentaires. Exprimez-y vos idées, vos opinions, avant que nous ne puissions plus rien dire.

PDC.

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